La Légende d'Anzère

Anzère était orthographié autrefois "Antsère"; ce mot tiré du patois "Intière" signifie entier; expression donnée aux pâturages d'Anzère qui, avant le remaniement parcellaire de 1933 comptent, 2768 parcelles et 350 propriétaires. Pour éviter les dommages au fond voisin, cette zone est mise à ban et fauchée chaque année à date fixe, le 23 août, jour de la St. Barthélémy.

La Première porte

Le remembrement permet de réunir l'espace en 438 parcelles de quelques 4'000 m2 chacune, reliées par une route. Sans ce remaniement parcellaire,  jamais le 11ème village de la commune d'Ayent n'aurait pu naître. Dans les années 1950, seuls 5 mazots et mayens existent sur ce plateau.

Vers le milieu des années 1950, les travaux du barrage de Zeuzier touchent à leur fin; les autorités communales se soucient de trouver des emplois pour les nombreuses entreprises qui se sont créées pour répondre à la demande de cette construction.

De retour dans les villages, les nombreux ayentôts qui, s'expatrient pour faire les saisons à Crans, à Zermatt, à Interlaken entre autres, parlent du développement touristique que connaissent ces sites.

Deuxième porte

La pression des entrepreneurs, l'écoute de Raymond Blanc et sa rencontre avec Pierre Gutknecht déclenchent le processus de démarrage de la station.

Dans le courant de l'année 1960, un comité d'initiative formé de MM. Francis Aymon, Raymond Blanc, René Morard et Gustave Chabbey fonde la Société Anonyme des Remontées Mécaniques (SAREM) et obtient de la commune l'autorisation de construire un téléski, un télésiège, deux cafés-restaurants et un hôtel.

Le téléski du Moret traversant les prairies d'Anzère (départ: bas de la station, au-dessus des tennis; arrivée: aux Bochonnesses) fonctionne l'hiver 1961. Pierre Gutknecht assure le fonctionnement de cette installation de même que celui de la buvette de départ. Avec son épouse, ils sont les premiers habitants d'Anzère, suivis à quelques mois par la famille de César Morard.

La Sarem démonte à Genève (Aïre), un ancien chalet et le remonte près de la ligne du téléski. En 1961, l'Hôtel du Chamossaire majestueux, s'élève sur le plateau d'Anzère, entre Weisshorn et Dent Blanche.

Les premiers Belges font construire leur chalet à proximité de celui-ci.

Malgré le dynamisme de ces pionniers, malgré l'aide de la commune et la création de la Société de Sports et de développement, les moyens manquent pour poursuive la réalisation du projet.

 Portes 3,4 et 5

Une fois encore, la chance sourit à Anzère. Grâce à ses contacts à Genève, Pierre Gutknecht réussit à persuader un jeune architecte et urbaniste, Jean Hentsch, d'implanter à Anzère une station de sports d'hiver. Entourés de quelques personnes, M. Hentsch crée la société d'études et de financement Pro-Wildhorn SA, ancêtre de la Pro-Anzère SA, et présente au conseil communal, en début juin 1962, puis à l'Assemblée Primaire de la commune, les possibilités de construire un village, des hôtels, des remontées mécaniques, des commerces, etc.

Le 30 juin 1962, les communes et bourgeoisies d'Ayent, d'Arbaz, les Alpages, la municipalité de Sion, la SAREM, la SDA et l'office du tourisme de Sion et environs signent avec la Société d'études et de financement Pro-Wildhorn SA, la convention qui donne à cette dernière, l'exclusivité pour la construction et l'exploitation des télécabines, téléphériques, télésièges, téléskis, restaurants et buvettes d'Anzère au Wildhorn.

Tablant sur l'augmentation du temps de vacances, sur le besoin des citadins de s'oxygéner, sur l'attrait d'un sport (le ski) qui commence à conquérir toute l'Europe et l'Amérique, mais aussi sur l'engagement du gouvernement fédéral (1960) de construire le tunnel du Rawil reliant Berne au Valais, Jean Hentsch à la demande des autorités locales, ébauche et soumet au Conseil Communal le plan d'affectation des zones et le règlement des constructions d'Anzère.

Les objectifs sont clairs: construire 10'000 lits en 10 ans et rejoindre par des remontées mécaniques, le glacier du Wildhorn. Entre 1960 et 1967, le prix du terrain au m2 passe de Fr. 1,50 à Fr. 3.-, puis de 30.-, 50.- pour finir  à Fr. 100.- et 200.-.

Jean Hentsch  réunit les financiers, parmi lesquels celui qui reste l'âme de ce développement, Xavier Givaudan, pour épauler les premiers actionnaires de la SAREM et construire les téléskis de Bonne-fille, de Pralan, le Télécabine Anzère-Pas-de-Maimbré, le téléski de la Combe, pour réaliser Anzère-village, les immeubles du secteur télécabine, les piscines, puis le téléski des Grillesses et les télésièges des Rousses. 

Parallèlement, les Raymond Blanc, Francis Aymon, Gustave Chabbey et autres continuent à réaliser à la demande, chalets et petits immeubles. Bientôt le quartier des Edelweiss conçu par les architectes Fellay & Fardel et construit par G. Dussex vient compléter l'offre de logements. Entre 1967, date de livraison du premier immeuble du village et 1973, date d'entrée en vigueur des arrêtés fédéraux urgents (limitation de la vente aux étrangers) 5'000 lits sont construits.

De son côté, la commune consent des investissements énormes (quelques 10 millions de francs) à l'époque pour satisfaire aux besoins en eau, en traitement des eaux usées, en route et autres services nécessaires. Ces investissements créent des tensions avec les habitants des autres villages qui se sentent prétérités par rapport à la station, et qui voient nombre d'emplois exercés par des responsables venus de l'extérieur de la commune. 

Le coup d'arrêt dicté par Berne marque un tournant fondamental dans la continuation du développement. Certes jusqu'en 1977, quelques 1'500 lits supplémentaires se construisent mais cela est bien inférieur aux 5'000 lits planifiés pour cette période. Les infrastructures construites pour être rentabilisées à hauteur de 10'000 lits souffrent, et l'abandon du tunnel du Rawil met un terme a la réalisation projetée sur le Wildhorn. 

Le Groupe Pro-Anzère ne peut plus atteindre les objectifs fixés, ses activités cessent en automne 1977. 

Sixième porte

Quelques personnalités locales, et d'anciens collaborateurs de Pro-Anzère, créent les structures de services, reprennent les hôtels et la société des remontées mécaniques. Ces petites structures entrepreunariales sont en mains locales et régionales mais chacune fonctionne en toute indépendance.

Le téléski des Luys, celui de la corniche et de Tsalan, le télésiège de Pralan sont construits, un nouveau télésiège vient remplacer l'ancienne desserte des Rousses; un curling et une patinoire sont installés sur la place du village. Jusqu'à 6  courts de tennis  et un espace pour enfant étoffent l'offre d'été. L'immeuble Cristal, les hôtels Grand-Roc et Eden, l'AV17 sont réalisés, çà et là, plusieurs  petits immeubles et des chalets sont édifiés.

 En saison, la fréquentation de la station est bonne, la provenance des hôtes est très internationale de nombreux Suisses acquièrent une résidence, pour les week-ends et leurs vacances, mais déjà le morcellement des structures ne permet plus de réunir les moyens nécessaires pour améliorer les installations et poursuivre le développement.

Septième porte

En 1999, l'Assemblée primaire de la commune d'Ayent, accepte à la quasi unanimité (plus de 500 citoyens présents) de racheter le capital de la SAREM.

En 2000, avec une ouverture de capital réussie,  une toute nouvelle et belle télécabine remplace celle qui avait rendu ses premiers services à l'exposition nationale de 1964.

La porte de l'Avenir

Le virage de l'Avenir sera écrit par les Ayentôtes et les Ayentôts qui auront décidés d'acquérir les formations techniques, linguistiques, relationnelles et autres nécessaires à satisfaire un environnement de plus en plus pointu, des hôtes exigeants et une nature à conserver absolument. Il appartiendra aux agriculteurs, commerçants, et divers prestataires qui accepteront de proposer leurs produits et les services que nos hôtes attendent.

Aujourd'hui déjà mais plus encore à l'Avenir, les habitants de tous les villages de la commune se sentiront  fiers d'avoir sur leur territoire, un espace d'accueil aussi beau qu'Anzère.

R. Bétrisey / 13.08.2004

Paru dans l’Agache